Demain, tous naturellement augmentés?

30/09/2020

La complexité du contexte économique et social actuel n'est plus à prouver tant elle fait couler d'encre. Notre société hypermoderne fait face à la montée des incertitudes et des risques quel que soit le niveau d'analyse macro ou micro-économique. Cette instabilité n'épargne aucun acteur, aucun secteur d'activité, aucune organisation... Au niveau familial les liens sociaux s'étiolent, les familles se décomposent et se recomposent. Au niveau professionnel, les métiers eux aussi se transforment ou disparaissent.

L'homme fait désormais face à un horizon plus flou qu'hier mais peut-être moins incertain que demain. L'hypercompétition, ingrédient explosif de ce contexte, accentue la dureté à vivre dans ces conditions et rend plus que jamais angoissante la survie de l'homme. Le tout digital et l'instantanéité des outils qui en émanent accélèrent le rythme des événements, démultiplient le volume des informations (vraies ou erronées) à traiter, diversifient les relations virtuelles ou physiques à entretenir... Soutenir la cadence devient alors pour l'homme, les organisations et la société en général, un véritable défi au quotidien.

Alors dans cette société mouvante, subissant un contexte global parfois violent, ce encore plus pour des individus ou organisations fragiles, n'y a-t-il pas une nécessité à revenir à nos fondamentaux (1) ?

Et si du cheval, tout individu, toute organisation pouvait s'inspirer afin de se développer et de vivre en harmonie ? Et si nous n'avions pas encore pleinement conscience du potentiel inexploité qui se cache derrière le cheval (2) ? Et si le manager, l'entrepreneur, le responsable de projet, le formateur, le chef de file de n'importe quelle structure familiale, professionnelle, culturelle, sportive... pouvait mettre à profit le répertoire et les codes équins afin d'accompagner les individus qui composent ses équipes et les relations humaines qui en découlent vers davantage d'harmonie (3) ? Et si le cheval était une ressource d'une puissance encore insoupçonnée par nombre d'entre nous et de ce fait trop peu envisagée par les individus, les organisations et leur management comme levier de performance ?

La révolution numérique qui s'opère à travers le monde depuis les prémices en 1969 de l'avènement de ce qu'est l'internet actuel, modifie substantiellement notre société, ses métiers, ses modes de communication et ses individus. L'exceptionnelle envolée que prennent les outils du digital dans notre quotidien et dans notre vie professionnelle nous fait devenir selon certains observateurs des « Hommes numériquement augmentés ». Le retour à nos fondamentaux propose un cheminement opposé, pas que ce retour aux fondamentaux soit opposé au développement du digital loin s'en faut, mais opposé dans la manière d'augmenter l'Homme c'est certain. Il s'agit ici, de permettre à l'Homme d'élever son potentiel naturel grâce notamment, au médiateur social qu'est le cheval. Ce qui est diamétralement opposé c'est que dans cette vision naturelle, nul Homme n'aura besoin d'avoir un cheval en permanence dans le prolongement de sa main, et surtout, l'Homme ne bénéficiera plus uniquement de connaissances additionnelles via une connexion internet, il disposera en effet d'une connexion à lui-même, aux autres et au monde sensible qui l'entoure. Il pourra ainsi se confronter à travers ses sens, ses observations ou expériences, à ses zones d'incertitude ou d'ignorance, il cherchera sa vérité et en ressortira naturellement augmenté. Revenons à nos fondamentaux, mobilisons pour cela le cheval qui est une formidable ressource.

Ne dit-on pas en analyse comparative ou benchmarking (pratique observée d'abord dans l'ancienne Egypte, puis développée comme outil de gestion, d'analyse et de comparaison des pratiques, fin des années 1970 par Xerox) qu'il faille se comparer, se servir d'appui « bench », à une référence « mark », à un étalon afin de faire progresser ses indicateurs de performance ?

Cette comparaison et allusion à « l'étalon » qui permet de rapprocher le monde des organisations et celui du cheval, n'est-elle pas une piste sérieuse que nous gagnerions à suivre et à approfondir ?

Il est donc tout à fait pertinent, notamment dans la continuité des travaux de Jean-Pierre DIGARD ethnologue et anthropologue français (« Le cheval force de l'homme » 1994) de se questionner et d'envisager très sérieusement les liens et les interactions à tisser entre le cheval, les individus, le management et les organisations. L'homme et le cheval sont liés par l'histoire d'une conquête réciproque. Le cheval n'est pas qu'un ami, un compagnon, un outil de performance sportive, de spectacle ou un outil de travail... Il est cheval, hongre, jument, poulain, foal, yearling, étalon... Dans le cycle naturel, le cheval est une proie, tout est organisé chez lui (il naît généralement la nuit, il acquiert en environ deux heures tous les comportements liés à sa survie et issus de la mise en œuvre d'un programme génétique précis), jusque dans sa morphologie, pour la fuite (par exemple cinq cœurs au lieu d'un seul, absence de clavicule...), il vit en société (il vit en harmonie en troupeau, en harem selon une hiérarchie sociale et des codes...) et il ouvre la voie à celui qui prend le temps de l'observer. Le cheval est une source d'inspiration, pour l'humanité, les organisations et leurs grandes fonctions dont la fonction managériale mais aussi la fonction ressources humaines.

1- La nécessaire reconnexion à nos fondamentaux

Cela impose de vivre le moment présent, de travailler sur ses capacités d'observations, de se former sur ses perceptions sensorielles et leurs conséquences physiques directes afin d'identifier ses sensations, puis interpréter ses émotions pour savoir les gérer quelle que soit la situation.

L'homme est alors totalement apte à se confronter à travers ses sens, ses observations ou expériences, à ses zones d'incertitude ou d'ignorance pour chercher sa vérité et en ressortir naturellement augmenté.

C'est tout un programme me direz-vous ! Le cheval est un merveilleux guide pour former l'homme. Rappelons que tous les grands rois (Louis XIII, Louis XV...) ont été formés par les grands maîtres dans l'art du dressage, Pluvinel, La Guérinière pour ne citer qu'eux. Le gouvernement des hommes était alors assimilé au dressage des chevaux. L'art de manager, le leadership...sont deux concepts différents qui retrouvent aujourd'hui encore une résonnance à travers les services d'équicoaching que proposent certains acteurs de la filière équestre.

Les softs skills ou compétences douces qui ont fait couler beaucoup d'encre, sont au cœur de cette reconnexion à nos fondamentaux. Il s'agit bien ici d'activer des compétences clés qui permettent à travers l'incroyable relation au cheval de :

mieux se connaître, de s'accepter

gagner en confiance

apaiser ses souffrances

gérer son stress

gérer ses émotions, se maîtriser

retrouver ses sens, travailler son empathie

construire son projet de vie

s'orienter ou se réorienter en fonction de ses valeurs et de son potentiel

communiquer positivement

travailler son leadership

développer son potentiel

améliorer sa créativité...

Cela fait référence à ce que dans mon ouvrage je nomme « le management par les sens », qui fera bientôt l'objet d'un nouvel article. Cet ouvrage étend les nouveaux usages du cheval au-delà des services d'équicoaching. Il s'agit de proposer une harmonie globale par le cheval aux individus, aux organisations et à la société en ayant recours aux bienfaits encore insoupçonnés du cheval : l'équiharmonie est un terme qui convient bien.

2- Le cheval, ressource naturelle et efficace

La filière équine est composée de quatre secteurs d'activité qui reposent sur des modèles économiques distincts et peu comparables. Le secteur des courses hippiques qui génère près de 90% des flux financiers de la filière, le secteur des sports et loisirs équestres, le secteur de la viande chevaline et le secteur des équidés de travail correspondant à une multiplicité d'usages et à un modèle économique incertain. C'est ce dernier secteur qui aujourd'hui m'anime car au-delà du fait qu'il me tienne à cœur, il offre de réelles perspectives sociales et économiques, c'est un modèle à réfléchir, à élaborer, pour lequel il est nécessaire de créer des liens entre des sphères qui, pour de mauvaises raisons, n'entrent pas en symbiose alors qu'il y a tant à partager. Ce modèle à construire est porteur de sens pour nous tous : individus, salariés, manageurs, dirigeants, responsables, entrepreneurs, organisations...

Les éthologues Marie-France BOUISSOU, Michel ANTOINE-LEBLANC et Frédéric CHEHU, dans l'ouvrage « Cheval qui es-tu ? » chapitre 4 Le monde sensible du cheval, ont sous-titré p72, Les sens du cheval, support des relations avec l'environnement. Ce sous-titre prend ici toute son importance et contribue à alimenter le fruit de notre réflexion sur l'intérêt que représente le cheval dans notre quête vers notre plus belle victoire à ses côtés : l'harmonie globale.

Le cheval est un herbivore, un animal non prédateur et social. Avant sa domestication il représentait une proie pour les grands carnassiers. Il a su garder sa nature innée d'animal de proie, dont les réactions instinctives, les notions de survie et d'urgence et les perceptions sensorielles sont restées intactes. Le cheval est un animal de fuite, il doit sa survie à ses sens (et à sa vitesse !) et à ses facultés de ressentir dans quel état d'esprit est l'individu ou l'animal qui l'approche, ce à plusieurs centaines de mètres. Les éthologues cognitifs affirment que le comportement d'un être vivant n'est pas soumis à un schéma rigide. Ainsi, les chevaux n'agissent pas de la même manière, mais selon leur état émotionnel, le contexte environnemental, les conditions météorologiques... Le cheval est capable de percevoir des messages de son environnement et d'évoluer selon ce qu'il en déduit. Tout message fort non compris provoquera la fuite.

L'ouïe est très sensible. Le cheval essaie de déterminer le lieu de l'émission (oreilles orientables, indépendantes l'une de l'autre, très mobiles, grand pavillon). Si l'origine n'est pas identifiée dans son champ de vision elle sera considérée comme étant en dehors, soit derrière lui. Le son peut attirer son attention, le mettre en confiance, clarifier un autre message, faire passer un message précis, inquiéter.

La vue est aussi développée que l'ouïe. Couvrant un champ important elle permet de situer les éléments extérieurs par rapport à son centre de gravité : orientation et distance. Pour élargir son champ de vision vers l'arrière, le cheval essaiera de mettre sa tête à l'horizontale et l'orientera de droite à gauche. Il balaiera ainsi les 360° qui l'entourent. Il existe des connexions nerveuses entre le système visuel et le système auditif qui se manifestent par un réflexe global d'orientation, se traduisant par des mouvements associés des yeux et de la tête. Cela semble, selon les éthologues, correspondre à un système d'alerte coordonné, contribuant notamment à détecter précocement des dangers.

Le sens tactile varie d'un cheval à un autre. Ce que l'on peut affirmer, c'est que ce sens est extrêmement fin chez le cheval. Pour tester la sensibilité tactile d'un cheval, les éthologues utilisent les filaments de Von Frey délivrant des poids différents (0.0008, 0.02, 1 et 50 grammes) pour tester certaines parties du corps du cheval et mesurer le frémissement du muscle peaucier à l'appui de chaque filament.

Par ailleurs, l'odorat est bien plus affiné que celui de l'homme, il y a chez le cheval une importance du comportement de flairage. Le flehmen, retroussement de la lèvre supérieure, accompagné d'une inhalation conduit les substances dans l'organe vomeronasal (de Jacobson) du cheval. Cela lui permet par exemple d'analyser une odeur et/ou de la mémoriser.

Pour terminer, le goût est très développé, permettant ainsi à l'animal en liberté de choisir sa nourriture. Pour les apprentissages, la récompense alimentaire (pommes ou carottes, tous les chevaux n'ont pas les mêmes préférences !) s'avère très utile comme en témoignent les dernières recherches de Léa LANSADE (chercheur IFCE en éthologie) et Olivier PULS (écuyer du Cadre Noir) « Travailler son cheval selon les principes de l'apprentissage », Guide pratique IFCE, 2016. Le travail du cheval est une succession d'apprentissages, le cheval doit comprendre qu'il doit réaliser une action précise en réponse à un ordre du cavalier, la récompense est un formidable outil pour faire comprendre au cheval ce qu'on attend de lui, toutes les études scientifiques, depuis les travaux de Skinner et le conditionnement opérant, le confirment.

Il y a presque 500 ans Pluvinel (1552-1620), l'un des précurseurs de l'école d'équitation française partageait sa vision tout à fait clairvoyante de l'animal en proclamant : « le dressage est moins une gymnastique qu'une éducation qui s'adresse à l'intelligence du cheval ». En avril 2020, sur le site web de la Fédération Française d'Equitation on peut découvrir dans l'espace cavalier, rubrique votre cheval, l'article suivant : « Le Cheval : un animal intelligent ».

Un animal intelligent pour nous guider

Le cheval donne des réponses limpides aux signaux qu'il perçoit. Il gère sa perception sans aucun filtre, en direct, pour déclencher une réponse adaptée et rapide. En cela, le cheval représente une ressource précieuse de médiation sociale et économique.

Depuis toujours, le cheval nous apporte son concours, il nous apporte la liberté, il nous accompagne, il nous apprend à observer, à nous révéler, à être suffisamment combatifs et courageux pour être nous-mêmes, alignés, équilibrés, harmonieux.

3- Le concept d'harmonie globale

L'harmonie globale comprend l'harmonie individuelle à laquelle vient s'additionner l'harmonie collective. (Pour approfondir CF livre)

Les apports de la relation au cheval vont contribuer à générer de l'harmonie collective au sein des organisations, des équipes. Voici quelques exemples d'apports :

Pour les professionnels :

comprendre et mettre en œuvre les principes d'une structure flexible et fiable

affirmer naturellement la hiérarchie, la règle et le management

manager par les sens, développer l'intelligence situationnelle

valoriser le potentiel humain dans sa diversité et dégager une vraie plus-value

fédérer les équipes

mettre en place une organisation apprenante et adaptable

prévenir et gérer les risques psychosociaux

gérer le changement et les situations de crise

gérer les conflits

développer des innovations

prendre des risques

s'imposer sur son marché....

Pour la société en général :

redonner à l'homme toute sa place

valoriser le capital humain

prévenir les conflits et crises sociales

croire que l'homme peut être naturellement augmenté et lui en donner les moyens

vivre en harmonie...

L'homme numériquement augmenté ne sera pas celui qui survivra aux aléas d'un contexte instable. Si l'homme a été doté de sens aiguisés c'est qu'il en allait de sa survie sur cette terre. Aujourd'hui, ce serait, il me semble, une erreur de penser que l'homme peut s'en sortir sans un retour à ses fondamentaux afin d'appréhender les événements du quotidien, de révéler pleinement son potentiel, de générer des relations positives et solides afin de faciliter sa survie.

Cet article et mon ouvrage sont des invitations à venir à la rencontre du cheval, à créer du lien entre le cheval et les sphères du monde de l'entreprise et de l'organisation au sens large. Comme pour tout objet d'étude (individu ou organisation), la singularité de chaque situation est à considérer. Les outils à mobiliser afin d'atteindre l'harmonie globale ne figurent pas dans une recette unique à transposer à tous ces objets d'étude. Il n'y a pas de modèle, de formule magique ni d'anthropomorphisme dans ces invitations, nous ne sommes pas cheval et ne le serons jamais. Le débat autour de la question de savoir si c'est l'Homme qui fait le cheval ou le Cheval qui fait l'Homme reste ouvert...

J'ai mon idée sur la question mais je vous laisse l'entrevoir au fil des pages de mon ouvrage « L'harmonie globale par le cheval », si vous tendez-bien l'oreille vous percevrez probablement mon murmure !

L'harmonie globale par le cheval » :

Ce sujet me passionne, cet ouvrage se veut utile à la majorité des individus et des organisations, il présente les incroyables bienfaits du cheval sur les individus et le management des individualités et des organisations.

Il repose sur des recherches approfondies et étendues à différents champs disciplinaires rattachés aux sciences sociales dont les sciences de gestion ou sciences du management et à l'éthologie équine. Les disciplines issues des sciences de gestion qui font l'objet d'apports théoriques et d'analyses sont principalement le management des organisations, le management d'équipe et la gestion des ressources humaines. L'éthologie est l'étude scientifique du comportement des animaux, incluant l'humain, dans leur milieu naturel ou dans un environnement expérimental, par des méthodes scientifiques d'observation et de quantification des comportements. Le mot éthologie est issu de deux mots grecs : « ethos » qui signifie « mœurs » et « logos » qui signifie « science ». Etymologiquement, l'éthologie est donc la « science des mœurs ». L'éthologie équine s'attache à étudier le comportement des équidés, et plus particulièrement celui des chevaux. Les équidés forment une grande famille de mammifères, les plus connus sont le cheval, le zèbre, l'âne... Des observations personnelles issues de mon expérimentation de l'élevage équin, de mes rencontres avec les chevaux lors de stages en éthologie ainsi que des témoignages d'experts issus de différents secteurs d'activité (public et privé) et ayant des profils différents (experts en équitation, coordonnateurs de formation, étudiants en formation à l'IFCE (Institut Français du Cheval et de l'Equitation) sur le site du Cadre Noir de Saumur, directeur d'entreprise, directeur dans la fonction publique, général de l'armée de Terre...) viennent compléter ces recherches.

Cet ouvrage fournit aux professionnels du cheval les arguments pour soutenir que le cheval est une ressource d'une puissance insoupçonnée par beaucoup et encore assez inexploitée dans les organisations et leur management.

Cette forme d'usage du cheval, vu non plus comme un simple animal mais comme une ressource précieuse au service du développement individuel et collectif, comme un levier de performance, ne serait-elle pas notre plus belle victoire à ses côtés ?

Nathalie MARTINEZ

https://www.potentieletharmonie.fr/